
Fille, si tu veux blogger, tiens-toi loin du bonheur. C'est
sérieux. J'ai connu des dizaines de blogueurs et ils étaient tous à une drôle
de place dans leur vie quand ils étaient intéressants. Ceux qui se sont rendu
compte qu'ils n'étaient plus aussi pertinents une fois heureux ont juste arrêté
d'écrire. Les autres... ben plus personne ne les lit.
Pourquoi? Ben, parce que le bonheur rend contemplatif. On
regarde le vent passer, on écoute l'humidité dans l'air, on boit les
nourritures de l'âme et on bouffe les lèvres qui nous abreuvent. Pis on écrit
des phrases moches comme la précédente.
Du coup, mieux vaut se tenir loin d'un clavier.
Pour blogger, sur une base régulière j'entends, il faut être
en introspection permanente. Il faut enchaîner les drôles d'histoires (ça peut
arriver dans un couple heureux aussi, mais souvent ça cache quelque chose de
malsain - je sais, je suis passé par là), les nuits de soupirs sans conséquence,
les cuites sans lendemain, les séries télé et les romans imbuvables. Il faut se
taper des films incompréhensibles pour être pertinent, aller où personne ne va,
être dans ces moments où personne ne pourra dire «j'y étais». Il faut
s'inventer une vie qui n'est pas celle de nos rêves, mais qui nous inspire à
mort. Parce qu'on se demande à tout moment : « mais qu'est-ce que ça veut
dire?».
Puis, un jour, on rencontre cette personne qui vient gâcher
tout ça. Au début, on se dit que ce sera différent, qu'enfin on va pouvoir
conjuguer le tout, mais tout joli rêve a une fin.
« Voici un test très simple pour savoir si vous êtes amoureux : si au bout de quatre ou cinq heures sans votre maîtresse, celle-ci se met à vous manquer, c'est que vous n'êtes pas amoureux - si vous l'étiez, dix minutes de séparation auraient suffi à rendre votre vie rigoureusement insupportable » - L'amour dure trois ans - Beigbeder.
Tout le malheur de l'amour tient en ces choses. Au début
d'une relation, tu le sais, on n'habite pas ensemble, donc viennent immanquablement
ces moments où on meurt de l'absence. Il y a bien le boulot pour nous occuper
un peu, mais le reste du temps... tout perd son charme. Y compris écrire. Y
compris laver le bain. Y compris classer ses livres par ordre chronologique.
Sauf si elle le demande, même à demi-mot, alors on retourne
au clavier, on réécrit un billet juste pour voir si on a encore ça un peu dans
le ventre. Puis pour elle, parce que.
Alors, fille, on fait un effort d'introspection et on se
demande pourquoi on écrit plus.
Et ça donne un billet.
Fille, je t'interdis de rire.