mardi 28 février 2017

Fille, parait que j'suis une affaire

«Rares sont les hommes capables d'un amour total, tu fais parti d'eux, prends ton temps et choisi bien la prochaine chanceuse qui pourra en profiter. En fait, ton malheur d'aujourd'hui, c'est la meilleure des nouvelles pour toutes les filles célibataires qui cherchent un homme bon, intelligent, généreux et engagé.» Andromède.



Quand je me suis retrouvé célibataire, j'ai eu droit aux traditionnels: «Une de perdue, dix de retrouvées», «Tu connais pas ta chance» et à la meilleure d'entre toutes «Tu t'en souviendras pas le jour de tes noces». Vraiment?! De mes NOCES?

Puis, pour me calmer, j'ai eu ce mot d'Andromède (la citation du début, celle que t'as peut-être pas lue).

Andromède, c'est une histoire d'amour (passée) qui aura toujours eu un petit coin taillé sur mesure dans ma mémoire. Un peu comme la place que peut avoir ce film d'amour qui nous a marqué dans les années 80 et qui nous rend tendres juste à y penser. Sauf qu'elle est née dans les années 80 et tout ça c'est une autre histoire.

Bref, quand elle m'a écrit ça, j'ai pensé à toi fille. Je me suis dit que tu devrais le savoir : je suis un gars qui vient avec des références.

T'en connais d'autres?

Moi 1, les autres gars 0.

« Des références? J'en vois qu'une! »


Je me doutais de ta réaction. Alors, depuis qu'Andromède a ravivé la confiance qui sommeillait en moi, j'ai bravé la tempête et en ai contacté d'autres.

En toute franchise, je dois t'avouer qu'elles ne sont pas unanimes. Mais les critiques ne le sont jamais. Et puis, comme tout artiste qui se respecte, je dis que je m'en fous même si c'est pas vrai.

Je suis honnête et transparent, c'est déjà ça pour moi, non?

Si tu les contactais, elles te diraient :
  • Qui? (la fille que je compte comme ma première blonde, même si on n'a frenché qu'une fois quand j'avais 12 ans)
  • Heu... oui... bon... (la fille qui en a marre qu'on lui rappelle qu'elle m'a frenché dans un bar, puis qu'elle a recommencé le lendemain, puis qu'on a baisé comme des lapins sans qu'elle arrive à se souvenir de mon nom d'une fois à l'autre)
  • J'y retournerais n'importe quand (la fille qui m'a laissé en me disant que la vie avec moi c'était plate)
  • Le sale enfant de ***** (la fille qui m'envoie des cartes postales à la St-Valentin)
  • Tu crois que je lui plairais toujours? (la fille qui avait un trop gros problème de confiance en elle)
  • Chouette type, n'hésite pas (la fille qui me déteste et déteste toutes les femmes sous prétexte que j'en ai rencontré d'autres après elle)
  • Un peu intense, mais cool dans le genre (la fille qui a emménagé avec moi après 2 semaines)
  • Je t'arrache les yeux si tu y touches (la fille que j'ai vu hier soir...)

Moi 2, les autres gars 0. (Je m'accorde le point parce que c'est majoritairement positif)

Côté cul


Maman, c'est le moment où je serais plus confortable si tu cessais de lire. Je te jure la suite ne vaut pas la peine que tu vives ce malaise. Pareille sœurette. Pareil collègue avec qui j'ai une réunion demain matin...

Ok, je n'ai plus la forme et la fougue de mes 20 ans, ni même de mes 30. Je l'avoue. Fille, c'est triste, mais un homme qui vieillit sans prendre soin de son corps, ne sera jamais que l'ombre de ce qu'il a été. Il restera malgré convaincu de ses capacités et de ses prouesses. Il rentrera le ventre pour les photos et appuiera son verre sur celui-ci sans y penser durant vos premières soirées.

Fille, je suis un homme. Je me mens sans même rougir. Au lit, je suis fantastique.

Fille t'es pas obligé de me croire sur parole : j'ai encore des références.

Je venais de raccrocher le téléphone, je venais de parler avec celle qui te promettait de t'arracher les yeux, quand je me suis dit que la chose qui t'intéresse sans doute le plus en ce moment c'est de savoir ce que je sais faire d'un clitoris.

Non?

On n'est pas encore en relation, tu me trouves intéressant, mais à notre âge on teste avant d'acheter. Et comme ça fait un bout que tu rencontres des gars, tu commences à être tannée de tester sans avoir envie d'acheter ensuite. Faque, tu testes plus.

Ça tombe bien, y'en a d'autres qui ont testé avant toi.

Depuis que je suis célibataire, les exe-maîtresses n'arrêtent pas de me recontacter (y'a un bat-signal dans le ciel quand je disponible parait-il), donc j'ai pensé faire un petit sondage auprès d'elles.

Voici ma méthodologie. J'ai dit « Ô mon Dieu, à mon âge et après avoir été en couple si longtemps, je ne suis pas certain d'encore savoir comment »

Et elles m'ont dit de belles choses en retour:

  • T'as un don naturel, ça va revenir, laisse-toi le temps (la fille qui fait du vélo. Oui, sa phrase s'est terminée avec «c'est comme faire du vélo...»)
  • T'as toujours été doué, je vois pas pourquoi ça aurait changé (la fille qui respirait très fort dans le combiné du téléphone)
  • Tu fais toujours le truc avec ******* et ******? (La fille qui avait aimé. Pour la référence en question, désolé, c'est un secret professionnel que je ne souhaite pas dévoiler pour l'instant. Peut-être dans mes mémoires)
  • Tu fais quoi ce soir? (La fille qui avait envie de baiser)
  • T'étais meilleur que XXXXX et que XXXXX (Ha Ha! J'ai toujours su que tu avais baisé avec XXXXX)

Seul accroc? Mes références datent toutes de quelques années. Fille, j'étais en couple!

Moi 3, les autres gars 0. (Juste parce que les références datent)

Conclusion (heu... je suis une affaire!)


Je suis relativement propre (j'ai une barbe, ça passe ou ça casse), relativement à l'aise dans la vie (genre, je travaille), j'ai relativement un immense appartement (genre plus grand que la maison de tes parents, mais c'est pas une raison pour les inviter samedi soir), une belle grande bibliothèque, une belle discothèque, un bon système de son, une cuisine qui fonctionne à plein régime, un régime de retraite (si ça t'allume, parce que moi... pffff), j'ai des livres partout, j'aime faire ça le matin (le midi et le soir aussi), je considère qu'un cunnilingus devrait être donné comme la fellation a été popularisée au cinéma (dans une voiture, un cinéma, sous la table, gratuitement, sans réciprocité...), j'ai pas d'animaux, mais j'y pense parfois.

Puis le score final c'est 3 à 0 pour moi contre les autres gars.

Faque.

Fille, parait que j'suis une affaire.... profites-en!

(Vous pouvez laisser vos numéros en commentaires)

lundi 27 février 2017

Ma date cisgenre d'hier


Elle est belle sur sa photo OkCupid.

Elle a un décolleté dodu. Comme tout son p'tit corps. Elle sourit. Elle a les cheveux rouge pis orange. Elle est pansexuelle qu'elle dit, queer aussi. Pis j'mouille comme. J'vais lui écrire la première.

«Allo! T'es formidable. J'ai adoré te lire. J'aimerais bien te rencontrer». Évidemment, j'ai attendu qu'elle soit online pour lui écrire, meh.

Elle répond dans la minute.

«Miaw» 
 


God. J'ai comme un ptit shake. C'est nice. Ca brûle dans l'ventre. J'réponds quoi? J'lui annonce maintenant que j'suis trans? En même temps elle dit être pansexuelle et queer, pis c'est bien écrit dans mes specs. Ça regarde plutôt bien. J'me lance.

- T'aimerais prendre un verre avec une petite personne comme moi?
- Ouais, j'aime les petites personnes comme toi 💚

Le cœur en ponctuation. Je crois que j'ai une date.

Blabla cute, t'es belle, toi aussi, schedules.

Brouhaha 20h demain.

Je lui dirai juste en fin de soirée que j'habite à 3min à pied et qu'mes draps sont propres.
Bisous de bonne nuit, encore t'es belle, miam, j'ai hâte à demain, j'ferme mon cell.

Lendemain matin.

J'regarde mon téléphone en m'réveillant. Checker son profil encore. J'vais peut-être me toucher légèrement.

Justement elle m'écrit.

- Bon matin 💚

Encore un cœur! Waw.

- Je me réveille à l'instant. Toi?
- Moi aussi!! 😉

Cool de savoir qu'elle fait pareil comme moi!

Je réponds rien. Je laisse ça comme ça jusqu'à à soir.

À job j'suis distraite. J'fais n'importe quoi pis j'arrête pas d'penser à elle. Pis à comment j'vais m'habiller, pis à si c'est juste trop de mettre mes dentelles, et si j'me fais des grosses wings ou pas. J'capote un peu du gender par contre, mais ça va dans l'ensemble. J'me dis qu'elle doit savoir pis toute.

19h

J'suis anxieuse as fuck. Mais maquillée, j'ai ça d'avance. Ça fait 50 fois que j'me change pour revenir au même kit noir, dessous rouges.

Trois Beau's depuis 16h.

J'ai soif encore pareil.

De bières pis d'elle genre.

Toudoudout:

- Hey au juste, je sais c'est awkward to ask, mais t'as-tu un vagin?

La question.

C'est tuff de la prendre objectivement cette ostie d'question.

-Pourquoi? C'est important?

Répondre par deux questions.

- LOL qu'elle écrit.

Ok. En tk.

20h30

J'suis arrivée en retard pour m'faire attendre mais semblerait qu'elle maîtrise encore mieux la technique.

20:45

Technique très au point, j'l'attends full là.

20:57 texte

- Ouin, tu sais j'ai pensé à ça, pis j'crois qu'on va laisser faire 😕

Le waiter vient me demander si je veux une autre Sang D'Lutin.

J'ai comme une hésitation...pis j'lui demande mon bill...

À l'appart ça sent le lavage.
Y'a pas beaucoup d'chars sur Rosemont à soir.
C'est tranquille.
Y'a toute ma disphorie qui me rattrape full.
Pis des tas de questions sur pourquoi elle m'a ditch.

Y'a décidément des trucs qui m'échappent.

J'ai fermé mon compte pour être safe. 
 
*
 
Texte gentiment offert par Mai Louve

dimanche 19 février 2017

Petits et gros plaisirs : lire dehors



Comme y’en a des petits, y’existe des gros plaisirs
Comme pour les pénis et les seins
Les petits plaisirs et pénis peuvent devenir gros
Les petits seins aussi, mais ça coûte plus cher
Sagesse populaire



Salut voisin!

Aujourd’hui y fait beau, parait-il! C’est sans doute pour ça que t’as décidé de t’attaquer à la glace devant chez nous à 8h ce matin. Je t’en veux pas du tout, il fallait que je me lève, mais quand même tu m’as réveillé. Juste pour que tu le saches.

Tu dois te demander pourquoi je t’écris aujourd’hui… non? Même pas un peu? Tu trouves pas bizarre que je t’écrive alors qu’on ne s’est pas encore parlé? Ah… Ok. Moi je trouve ça bizarre. Pi soudainement, parce que tu me fais sentir mal, je te juge pour ton trip de brise-glace de ce matin.

Bon, on est quittes.

Ce matin, j’ai pas vraiment eu l’occasion de regarder dehors. À peine tombé du lit, je me suis installé devant mon ordi et me suis mis à travailler. C’est plate comme ça. Ça arrive. C’est de ma faute, mais je n’entrerai pas dans ce sujet.

Heureusement, j’ai des gens qui me distraient en m’écrivant. C’est pas génial pour la productivité, mais c’est bon pour le moral. Bref, vers midi y’a une fille qui m’a dit qu’elle allait promener son chien vu qu’il faisait beau.

Là, j’ai jeté un œil dehors pi j’ai vu du soleil. Là, j’ai regardé la météo sur mon téléphone et ça m’a dit 7°. Là, j’ai lâché la job puis j’suis parti faire une grande marche. C’était une marche sans but, juste pour aller devant moi.

Une heure plus tard, j’étais revenu, mais j’avais encore envie d’être dehors. Mais il fallait que je travaille. Mais il aurait été si bon de boire une bière dehors. Mais j’avais ce livre que j’avais reçu cette semaine que je n’avais même pas encore ouvert et qui traînait dans mon salon. Mais il aurait vraiment fallu que je travaille. Mais c’était la première journée…

Je me suis servi une bière, j’ai enfilé mon manteau, j’ai été chercher le livre que j’ai reçu cette semaine et que j’avais même pas encore ouvert, je l’ai ouvert, je suis sorti, j’ai été lire sur le balcon avec une bière parce que c’était la première journée où je pouvais le faire cette année.

Et tu sais quoi cher voisin? T’es passé et tu m’as jugé. Tu m’as jugé comme les 234 personnes qui sont passées devant mon balcon pi qui m’ont vu les pieds sur la clôture, la bière à portée de main, en train de lire un livre comique qui me faisait rire à haute voix.

Je vais te dire une chose voisin : fuck you.

Pi j’sais même pas si t’es mon voisin. Pi j’sais pas si c’est toi qui faisais du bruit ce matin en cassant de la glace. Ce que je sais, c’est que c’est plus facile de t’écrire une vacherie qu’à un parfait inconnu.

Faque si c’était pas toi voisin, je m’excuse pour la merde de chien dans ta boîte aux lettres.

J’ai peut-être réagi un peu fort, mais j’avais une bonne raison.

Lire dehors, c’est à peu près la plus belle chose au monde (juste après voir un éperlan se faire dorer au soleil en chantant les plus grands succès de Perry Como). Lire en marchant est encore difficile avec les restants de l’hiver qui traînent sur les trottoirs, mais lire sur mon balcon… tu peux pas t’imaginer à quel point j’aime ça.

Ok, tu peux peut-être t’imaginer.

Mais là je vais rentrer parce que je viens de t’entendre prendre ton courrier et sacrer….





samedi 18 février 2017

Une ville, la nuit, et quelques conneries


Raphaëlle devait être accompagnée. Je n’avais rien d’autre à faire, mais ça ne voulait pas dire que j’acceptais son invitation pour autant.

Elle était certes très belle, mais tout à fait improbable. Les rares qui pouvaient espérer l'approcher devaient être célèbres, poser pour les magazines, êtres riches ou toutes ces réponses combinées. J’étais de ceux qui ne pouvaient changer de valeur à ses yeux : j’étais un ami, rien de plus. Accepter son invitation, c'était donc volontairement perdre ma soirée à jouer les parures humaines. Ça ne me disait trop rien.

Il a fallu qu'elle me dise que le bar était ouvert pour que j'accepte. Pourquoi ne pas l'avoir mentionné plus tôt? J'ai ajouté qu'elle était une bonne amie, pour la forme, pour ne pas être un alcoolique fini.

Je me suis donc retrouvé quelques heures plus tard au milieu de ces hommes d’affaires, de ces artistes plus ou moins connus, de ces journalistes, de ces beautés qui ne sortent que la nuit.

Je n'avais pas envie de faire semblant de faire partie de leur monde. Évidemment, j'avais perdu Raphaëlle dès notre sortie de l’ascenseur. Sauf erreur, elle s'était enfermée peu après dans le vestiaire avec un gars. À voir sa cravate, il devait être marié. Elle a toujours eu un faible pour les mauvais garçons, idéalement riches et mariés.

J'étais donc seul, debout au fond d’une salle de réception, à attendre comme un con que les discours s’achèvent et que l'on annonce l'ouverture du bar. On distribuait bien du vin sur de grands plateaux, mais il était trop chaud et surtout trop vineux. Je n'affectionne pas particulièrement le vin anonyme.

Quelqu’un a eu droit à une ovation, un prix a été remis, un dernier discours prononcé, puis le maître de cérémonie nous a invité à passer au bar. Enfin. J'étais déjà à proximité, n'attendait que mon heure.

Je ne fais pas dans la dentelle dans ces évènements, surtout quand c'est Raphaëlle qui m'y traine. Ses relations ont de l'argent et moi j'ai soif. Il ne m'a donc suffi que de dix secondes pour remarquer une bouteille en retrait, un single malt 18 ans. J'ai demandé un double, on m'a servi un triple. D’une lampée je l'ai ramené à un simple et j'ai commandé une bière aussitôt pour l’accompagner. Il ne me restait plus qu’à trouver un fauteuil pour m'y fondre et m’effacer.

Faute de fauteuil, j'ai fini par trouver une chaise, derrière un rideau, et l’ai installée devant la fenêtre. Montréal est là-bas, bien plus bas, avec ses lumières de la nuit, ses voitures égarées, ses passants parsemés. Je me suis perdu dans la poésie urbaine et j'ai bu.




- Pardon, vous n’êtes pas…

Une femme dans une robe de soirée rouge, trop moulante pour être décente, s’est adressée à moi, me prenant pour un autre.

- Non, malheureusement, mais je crois que vous pouvez le trouver du côté du vestiaire.

Au lieu de s’éloigner, elle est venue s’appuyer contre la fenêtre. Je n’aurais pas osé. J’ai toujours peur qu’un incompétent ait fait une gaffe en posant ces trucs et de m’apercevoir de l’erreur en caressant le trottoir quelques dizaines d’étages plus bas.

- Vous buvez quoi?

- Une bière, un scotch… vous savez, je ne suis pas la personne la plus bavarde…

- Moi, la nuit m’inspire. Je trouve la vue très romantique.

- Pour le romantisme, il faut du sentiment. Ce n’est pas que vous n’êtes pas belle, mais je ne fais pas dans le sentiment. Du moins, pas ce soir.

- Vous êtes venu seul?

- Pas vraiment, mais oui.

- C'est-à-dire?

- C'est-à-dire que j’accompagnais quelqu’un qui est maintenant avec un autre.

- Et vous êtes triste?

- Non, le bar est ouvert.

Elle a regardé dehors, songeuse. Normalement, c'était le genre de fille que j'évitais : trop chaude, trop partante pour une histoire foireuse. Je dis normalement, parce que ce soir-là je m'emmerdais suffisamment pour faire une connerie. Je l'ai relancée.

- Écoutez, si vous voulez parler poésie nocturne, si vous voulez qu’on reste là à deviser devant l’horizon, je vais avoir besoin d’un autre verre.

- Aucune envie de parler.

- Alors quoi?

- C’est votre première soirée du genre?

- Non, j’en ai vu d’autres.

- Alors, vous savez qu’il y a toujours, quelque part, une fille perdue qui ne demande qu’à se foutre dans le pétrin avec le mauvais gars.

- ...

- Ne faites pas l’innocent. Vous savez très bien que je suis cette fille et que vous êtes ce gars.

- Et c’est quoi la suite?

- Un taxi, un vestiaire, un ascenseur, un appartement, une chambre d’hôtel, ça n’a pas vraiment d’importance. On verra en temps et lieu. Pour l’instant, je vais m’éloigner vers le bar, je vais commander un autre scotch et une autre bière. Vous allez rester là à regarder la nuit et mon cul. Peut-être serez vous encore là à mon retour. Si vous êtes encore là, on va se tutoyer.

Et elle s'est éloignée sans attendre ma réponse. Je ne sais pas quelle réponse j'aurais pu donner.

J'ai posé un oeil sur sa robe de dos, comme elle l'avait prédit, j'ai regardé la ville de haut et me suis demandé à quoi pouvait ressembler le paysage de jour.

Et j'ai décidé de l'attendre, juste pour voir.



*Version originale publiée le 21 novembre 2011sous le titre «Observatoire»

mercredi 15 février 2017

Des préliminaires en 3 caresses

J't'attends. C'est correct, prend ton temps, j'ai toute la soirée. Quand même, voici ce qui pourrais arriver ce soir.

Des préliminaires en 3 caresses


Tu vas commencer par entrer, avec ce malaise qui nous accompagne toujours quand c'est la première fois. Tu ne penseras même pas à enlever ton manteau et c'est moi qui vais te l'offrir. Tu vas me passer un commentaire sur mon appartement et je vais te remercier. On sera comme ça : polis, un peu gênés, tout en demi-sourires.

Je vais te faire visiter, tu vas me dire que c'est grand en voyant le corridor et me le répéter deux ou trois fois avant d'arriver à la cuisine. Là, je vais t'offrir à boire et, malgré la sélection, tu vas me demander si j'ai quelque chose que je n’aurai pas. On va s'entendre quand même sur quelque chose. Tu vas être heureuse avec ton verre et là, ça va être notre premier moment : on va trinquer en se regardant dans les yeux.

On va tout enregistrer : le regard était-il soutenu? Troublant? Fuyant? Absent? Gêné? On saura déjà si la suite a une petite chance de se transformer en autre chose qu'une rencontre anecdotique qu'on raconte aux collègues le lendemain. Un battement de paupières comme le battement d'ailes d'un papillon... une tempête possible.

C'était la première caresse, celle que je n’oublierai pas.

Puis, parce qu'on va avoir faim, je vais te cuisiner des trucs. Ce sera un deux, trois, ou quatre services; selon le jour de la semaine, selon mon inspiration, selon le temps que j'ai eu pour te surprendre. On va continuer à boire du vin ou de la bière et, avant la fin du repas, on va savourer notre premier silence.

C'est la deuxième caresse. Qu'est-ce qu'on va en faire de ce moment où tout s'arrête? Est-ce que je vais en profiter pour forcer ton regard? Est-ce que je vais me lever et poser une main sur ta chaise? Est-ce que tu vas me sourire? Est-ce que nous allons fléchir?

Tu vas vouloir m'aider à tout ranger et moi je vais te dire que j'ai un lave-vaisselle juste pour ça. Je vais te demander si on ouvre une autre bouteille, mais c'est une pure formalité: bien sûr, on en ouvre une autre.

Puis, on passera au salon. Je vais t'inviter à aller choisir un disque et pendant que tu seras devant mes bibliothèques je vais être derrière toi, à un avant-bras de distance. Si tu portes attention, tu pourras peut-être sentir mon souffle sur ta nuque.

Je vais te diriger un peu au travers de mon système de classement, puis je vais m'asseoir et pour la première fois de la soirée : vraiment te regarder.

Tu vas être là, à chercher des repères dans mes disques, à te demander si tu écoutes des trucs que tu connais plus ou que tu connais moins. Moi je vais boire mon verre en souriant, en te regardant. Rien de mal intentionné, juste bienheureux.

La musique va reprendre puis on va chantonner en se regardant dans les yeux, en parlant de musique, en faisant semblant d'avoir quelque chose à dire.

Ce malaise, ce moment où on ne sait plus, c'est la troisième caresse.

Embrasse-moi


On va s'embrasser. En dansant ou en discutant, en étant soudainement très prêts l'un de l'autre sans trop savoir pourquoi. Ou peut-être que tu vas juste venir me prendre par la nuque pour m'attirer à tes lèvres.
Et le temps pourra s'arrêter juste là. Ou recommencer juste un peu. Juste parce que ce sera bon et que c'est vraiment tout ce que je demande à la vie.

Le reste, ça importe peu pour l'instant.

Faque, ben, j't'attends.

Pi c'est pas obligé de se passer comme ça. C'est juste comme ça que je m'occupe la tête en t'attendant. On peut aussi se commander une poutine, regarder Netflix, ne pas écouter de musique et s'endormir un peu collés sur le divan sans même avoir pensé à s'embrasser.

J'suis ouvert, mais ce serait triste de ne pas t'embrasser.


mardi 14 février 2017

Fille, faut qu'on parle de la St-Valentin


C'est aujourd'hui, pi si t'as le temps de lire ça, ça veut dire que tu t'en câlisses ou que t'es toute seule avec ta bouteille de blanc pour oublier que c'est le 14 février. Il se peut aussi que tu ailles quelques minutes à tuer en attendant que ton mec arrive avec les chocolats, les roses pi l'invitation à souper au resto (ou les sushis s'il est vraiment hot!). Dans ce cas, essaye de prendre ça avec du recul et enjoy ta soirée.

 

Fille, c'est pas grave d'être toute seule


Sérieux, si t'es toute seule ce soir, c'est que tu n'as pas trouvé le bon. C'est la même chose tous les soirs, mais ce soir c'est important que tu le comprennes et fasse tienne cette vérité forte : les gars sont des trous-du-cul, particulièrement à la St-Valentin.

Quoi? Qu'est-ce que je viens de dire?

Ok, imagine-toi en couple (tu te souviens comment ça marche? Les abeilles, les fleurs pi ces trucs qui bourdonnent: les vibrateurs?). C'est quand la dernière fois que pour le fun il t'a emmené au resto (que c'était pas TON idée)? Qu'il t'a offert des chocolats ou des fleurs (sans t'avoir trompé ou que ce soit des chocolats vendus par un collègue pour l'école de sa fille)? Pourquoi soudainement tout ça arriverait le même jour?

Est-ce que ça n'aurait pas rapport avec le fait que tu as pris ta douche en rentrant du boulot, a enfilé tes plus beaux sous-vêtements, ta super robe, que tu t'es maquillée et parfumée, que tu l'attends en talons hauts alors qu'il y a dix centimètres de glace et de neige dehors?

Pi que c'est la ***king St-Valentin?

Ça te rappelle des souvenirs fille?

Ben oui, c'est à ça que ça pense un gars. S'il te fait plaisir, il aura du plaisir (à te regarder, bien sûr, rien d'autre...pffff). Faque compte toi chanceuse d'être célibataire ce soir. Parce que le bon, il se câlisse du 14 février. Tu devrais l'imiter.

Fuck le 14


Ça fait un mois et demi qu'à chaque fois que tu rentres au Dollorama ou au Jean-Coutu tu vois rouge. C'est littéral, tu vois un gros point rouge dans ton champ de vision pi tu passes juste à l'autre rangée. T'as pas besoin de plats en plastiques, mais tu as été attirée malgré toi jusqu'à eux (pi y'a des nouveaux modèles qui semblent pas si mal).

Tu les vois plus ces milliers de petits coeurs. Pas vraiment. Quand tu réalises (une ou deux fois par jour) que c'est partout, une petite voix dans ta tête te dit : « Fille, tu t'en câlisses. T'es pas la poire qui va se transformer en pute ce soir et baiser pour une boîte de chocolat, des roses pi un resto cheap où le service était minable parce qu'il y avait foule ».

Si ta voix dit pas ça, fille, il faut que tu relises ce billet à partir du début. Ou que tu commences à revoir tes prix, parce que le chocolat et les roses, ça fait pas cher de la passe.

Pi si tu trouves que j'exagère, regarde-toi dans le miroir ce soir (parce que t'es clairement pas célibataire) et demande-toi si tu aurais mis ce rouge si c'était pas le 14 février ou le Premier de l’an (autre occasion dont on pourrait parler).

Aveu de culpabilité


Ok, j'suis un gars pi j'ai été le gars avec des attentions à la St-Valentin. Jeune, c'était pour les raisons ci-haut mentionnées. Plus tard, ça été pour que ma blonde puisse raconter quelque chose de beau au bureau le lendemain, rendre jalouses les copines. C'est ça aussi prendre soin de son amoureuse.

Pi là, célibataire, ben... J'ai décidé de ne plus être un bon gars, juste le temps d'un billet dont je pense le contenu en partie, beaucoup, passionnément, par moment.

T'es encore toute seule et mon discours te fait chier


Penses-y. En quoi cette journée est différente d'hier ou de demain? T'as pas d'amoureux? Ok, ben ça viendra (ou pas, ça dépend de ton profil sur Tinder, voir mon billet précédent). Tu voudrais souligner cette journée toi aussi? Ben c'est là que toute l'horreur de la St-Valentin peut te rejoindre.

Parce qu'à la St-Valentin, le célibat est aussi une business. En plus que des prétendants sans imagination utilisent ce jour pour offrir des fleurs et des chocolats et aller au resto pour tenter de conquérir, y'a un marché entier basé sur le célibat.

Y'a des bars où seuls les célibataires peuvent entrer (mon oeil qu'ils le sont tous!). Y'a des partys de St-Valentin pour les célibataires. Y'a des soirées karaoké pour les célibataires. Y'a des soirées où si tu déchires la photo de ton ex tu reçois quelque chose (un shooter, un t-shirt, je sais plus, je veux pas me souvenir, je regrette de l'avoir lu).

Tout ça pour te dire, fille, que c'est vraiment pas grave d'être toute seule ce soir pi que ta bouteille de blanc, ben c'est pas une consolation, c'est une récompense. Parce que toi, au moins, t'as pas besoin d'un prétexte pour te faire du bien.

Va prendre un bain, mets Bon Jovi dans le tapis, change les piles de ton ami et fais-toi du bien sous la couette avec une boîte de chocolat, ton p'tit chien, pi un film quétaine où le héros est un fantasme un peu con.

Ça c'est la version longue.

Tu peux aussi direct aller au lit avec un vibrateur, regarder dix minutes de porno, te faire du bien pi sortir après.

Pi laisse faire le p'tit chien, c'est un peu weird de l'avoir suggéré.

L'an prochain?


Fille, l'an prochain tu vas avoir un mec dans ta vie (je te le souhaite) et peut-être que je vais avoir une fille comme toi dans la mienne. Ça se peut. C'est arrivé par le passé, y'a des précédents.

Pi là tu vas arriver à la St-Valentin pi tu te souviendras plus de ce billet. Quand ton mec va t'appeler pour te demander si ça te tente d'aller au resto, tu vas faire comme si tu ne connaissais pas la date et faire semblant d'être surprise. Pareil quand tu vas recevoir les fleurs au boulot. Tu vas rentrer à la maison pi prendre ta douche et essayer de voir si ton kit de dentelle te fait encore. Au pire, tu vas y aller commando et espérer qu'il change d'idée et arrive avec des sushis.

Si t'as une arrière-pensée pour ce billet, si tu te souviens du temps où t'étais seule, tu vas rougir, mais personne va savoir pourquoi.

Moi je vais savoir pourquoi. Ce qui me fait dire qu'on sera pas ensemble. C'est un peu triste, mais c'est une autre histoire.

Un autre aveu, juste pour le fun


Ce soir, je sors.

Oui, je sors dans un bar (où il n'y a pas de thématique à ma connaissance). C'est un hasard. Le rendez-vous était pour un mardi. C'est mardi. Je vais aller prendre une bière un mardi. Pas pour la St-Valentin, pas pour le cul, les chocolats, la dentelle, le vibrateur pi tout ça.

Juste parce que c'est mardi soir pi que des fois c'est cool de sortir un mardi soir sans prétexte (ou presque).

Mais c'est quand même la St-Valentin...

Faque bref, quelqu'un peut me dire où je peux trouver des roses?

dimanche 12 février 2017

Fille, faut qu'on se parle de Tinder

On va se dire les vraies affaires, parce que là, franchement, ça parait que personne n'a encore eu le courage de le faire avec toi. On se connait depuis 10 secondes sur Tinder, pi déjà tu m'énarves.

L'alcool peut faire des miracles...

 

Faque tes photos... 

 

Fille, faut que tu arrêtes de prendre des selfies dans ton char. En partant, je sais pas ce que tu fais avec ton cellulaire dans les mains au volant, mais en plus ça n'a pas vraiment de charme. Ta banquette n'est pas vraiment invitante, pi ta vitre arrière est sale.

Parlant de selfies : si t'en a plus que 2 parmi tes photos, arrange-toi pour ne pas faire exactement la même face dans le même angle! T'as le droit à un gros plan, un plan avec un manteau d'hiver, un plan avec un visage souriant, un plan avec un visage sérieux... bon tu comprends l'idée? Pi svp, arrête le duckface. Sauf s'il est sarcastique. Ça n'excite personne.

Continuons avec tes photos. Tu peux avoir une photo avec ton chien, pas des photos DE ton chien. Tu peux avoir une photo avec un animal, pas des photos DE tes animaux. Les photos d'animaux, pour rencontrer quelqu'un? Sérieux? Déjà entendu parler de zoophilie? T'as pensé consulter? Tu peux avoir des photos de toi avec tes enfants (mais svp, dissimule leur visage, quel genre de mère es-tu?!), mais pas de photos DE tes enfants. C'est creepy. Y'a pas que des bons gars sur Tinder, j'espère que tu en es consciente.

Maintenant, parlons activités: sauf si tu recherches un fétichiste des pieds, laisse-tomber la photo de ceux-ci sur la plage. Si tu veux trouver un yogi, laisse ta photo en position de yoga à contre-jour sur une plage au soleil couchant. Si tu te cherches un gars, laisse-faire. Ton fantasme, sûrement pas le nôtre.

Fille, tu ne fais pas du yoga sur un temple bouddhiste tous les jours. Anyway, c'est déplacé de faire ça. C'est irrespectueux et je te juge pas pire. Prendrais-tu un selfie dans une cathédrale avec un enterrement en arrière-plan? Ok. Ne réponds pas à ça. Arrête de te faire croire que c'est cool: ce l'est pas.

Sais-tu à quoi pense un gars quand il voit une fille faire une position extrême de yoga habillée en Lululemon? Oui, le premier truc qui vient de te passer par la tête avant que tu penses à un truc plus chic: c'est à ça que pense un gars.

Mets pas une photo d'une activité que t'as faite une seule fois! Moi, si je te vois en ski, je pense que t'es une skieuse, que ça te définit. Si je te vois en parachute, je me demande si ça vaut la peine de te rencontrer vu que j'ai le vertige. Garde ces histoires pour ta première rencontre, anyway t'a rien à dire dans ces moments-là (on va en reparler plus tard)!

Quoi d'autre sur tes photos... ah oui! Je sais que tu aimes tes amies et que vous êtes inséparables, mais à moins que tu offres une relation polygamiste, svp concentre-toi sur des photos de toi! JE FAIS COMMENT POUR SAVOIR T'ES LAQUELLE SUR LA PHOTO SINON?! Et les photos de ton ex, de ton amant, de tes anciennes flammes... c'est juste bizarre et ça ne donne pas le goût.

Dernière chose : si tu n'as que des photos de ton décolleté, de toi en bikini, de toi en petite tenue ou dans une robe transparente, ne t'attends pas à des miracles. Y'a de bonnes chances que tu attires les p'tits cons qui ne pensent qu'à ton cul (j'en ferai pas partie, désolé).

Parlons description 

 

Fille, t'aimes voyager, t'aimes tes amis et ta famille est vraiment importante pour toi? Tu penses que t'es la première à écrire ça? TU PENSES VRAIMENT QUE ÇA M'INTÉRESSE ET QUE ÇA VA ME FAIRE CRAQUER POUR TOI?

Pi entre toi et moi, la famille importante ça me fait un peu débander. Est-ce que tu es le genre à avoir 18 réunions familiales par mois? Est-ce que j'aurai le droit de «chocker»? Parce que si c'est le cas, oui, tu devrais le mettre dans ta description sur Tinder. Sinon, fille, demande-toi pas pourquoi t'es célibataire...

T'aimes le vin (moi aussi...), la musique (moi aussi...), la bonne cuisine (moi aussi...), mais laisses de côté Star Wars et Star Trek (même si j'aime ça moi aussi). Sérieux fille, tous les gars se sont fait une raison à l'adolescence : la femme idéale n'existe pas ou a un pénis.

Je veux pas que tu aies un pénis. Je veux pas que t'aimes mes films préférés. Je veux pas que tu parles le Klingon (ok, ça c'est VRAIMENT sexe, mais on n’en parle pas). T'es pas obligée d'aimer Star Wars, mais si tu as une perruque avec des tresses en forme de beignets sur les côtés de la tête, il se peut qu'on ait un fantasme en commun. Surtout si tu as le bikini assorti.

PI LÂCHE LES EMOJIS!! Je consulte Tinder sur un écran qui fait 2 pouces ½ par quatre, à douze pouces de mon visage je n’arrive pas à voir les détails de ces petits dessins. Écris. T'as 500 caractères. Lâche-toi lousse. Montre-moi que tu as une personnalité, pi que tu sais écrire (il ne faut pas se fier à mon français dans ce billet, le ton et le style sont importants pour s'affirmer de façon passive agressive). Fais-moi rire (oui, ça m'arrive quand même assez souvent en lisant une description et crois-moi, ça aide).

Parlons communication 

 

Fille, je te plais, tu me plais ou du moins on est curieux. C'est vraiment chouette tout ça, mais dis-toi qu'on est encore à un million de km de distance. Je sais rien de toi, tu sais rien de moi (ou presque).

Je vais écrire en premier, règle générale, mais si tu oses, tu marques des points. Si on arrive à échanger plus de 5 phrases (tour à tour), je suis sur le bord de te demander qu'on se rencontre. Sans blague. Pourquoi? Parce que selon mon expérience, tu fais partie d'un 15%, gros max, des filles sur Tinder.

Tu vois? Pas plus difficile que ça de se démarquer.

Mais soyons sérieux.

Si je deviens un jour le père de tes enfants, ton mari, le complice avec qui tu vas visiter les 130 pays que tu n'as pas visités encore, c'est sûrement pas après 10 minutes que tu vas le savoir. Ça peut bien se passer sans que tu aies besoin de me faire freaker.

Sérieux, fille, faut que t'arrêtes ça. C'est pas en essayant d'être «honnête» que tu vas trouver le dude. Fille t'es sur Tinder, y'a une raison. Pi la raison c'est pas de discuter de prénoms d'enfant avant de m'avoir rencontré. C'est pas être honnête de me parler de tes désirs de maternité: c'est juste mal.

C'est pour ça que je t'ai non-matchée si vite. Désolé, j'espère que tu lis ce billet.

Fille, tu veux pas être en couple. Tu veux pas rencontrer. Tu veux vivre une illusion qui n'existe pas. Pas vrai qu'au 21e siècle je vais t'épouser, te faire des enfants sans t'avoir baisée avant. Pas vrai que Tinder est ma référence en fait de rencontre. J'en ai rencontré d'autres avants toi, pi comme ça s'en va, y risque d'en avoir d'autres après toi. Ton prince charmant, y'existe, mais y viendra pas si tu essayes de lui faire peur très vite juste pour faire le tri. Un gars accroché peut en accepter beaucoup. Un gars qui te connait depuis 10 secondes va freaker. Je sais, j'ai freaké.

J'ai envie de te rencontrer (pas de te chatter 25 000 heures sur un fucking clavier de téléphone pas intelligent pentoute, trop petit pour mes gros doigts), de connecter, d'être pompette, pi qu'on s'amuse (oui, on peut s'amuser sans avoir du sexe!). Après, on verra.

J'irai pas me commettre sur un voyage, un mariage, le nom de nos futurs enfants avant de savoir si ce sera agréable de les faire (anyway, j'en veux pas).

Finalement, notre rencontre


Je suis super ouvert pour les contextes de rencontres. Perso, j'aimerais que tu me surprennes, mais je peux accepter qu'on fasse ça traditionnel. Si t'as le courage de m'inviter à une soirée où y'aura tes amis, j'aurai le courage de m'y pointer quitte à me ridiculiser. Si tu veux qu'on aille prendre le thé, je sais déjà que tu as de gros doutes. Si on va prendre l'apéro, c'est que tu envisages peut-être de continuer la soirée avec moi. Si on fait ça chez moi ou chez toi, je sais déjà comment va se terminer la soirée.

L'alcool peut être bien et peut être mal. Bien, ça délit les langues. Mal, ça nous embarque dans une spirale qui est peut-être un peu hâtive.

Parle-moi. Parle-moi de toi. Jase-moi. Je ne poserai pas de question (ou presque, mais répondrai à toutes les tiennes), parce que je m'en fous de savoir ce que tu n'es pas prête à me dire spontanément. Je suis comme ça.

Je veux pas savoir que tu aimes encore ton ex. Je veux pas savoir ça fait combien de temps que tu es seule. Je veux surtout pas savoir ce que tu penses que je pense. Je suis assez grand pour savoir ce qui se passe dans ma tête sans avoir besoin de ton aide, mais merci.

Fille, si tu veux une belle date, laisse-toi aller. Fais des jokes plates, n'ait pas de classe, déride-toi, propose-moi de quitter le bar pour aller prendre une marche sur le Mont-Royal (à 2h du mat?! Ok...). Parle-moi de tes fantasmes de spéléologie (pas de l'Asie, je sais que tu veux faire du Yoga sur un temple bouddhiste, vous voulez toutes le faire, mais je m'en fous).

Pi si vraiment tu veux m'accrocher, parle-moi de bière. Parle-moi de bouffe. Parle-moi de musique. Parle-moi de ta job. Parle-moi de ce que tu aimes faire et de ce que tu es. Parle-moi de tes défauts comme s'ils étaient des qualités.

Là, je vais être à toi (pour la soirée du moins).

Pi j'oubliais.

Faque maintenant que je t'ai dit tout ça, tu préfères Josée ou Mélodie pour une fille?



P.s. Célibataires, laissez vos insultes ou invitations en commentaire.

vendredi 10 février 2017

Vendredi à samedi (Extrait de Chutes de reins)

 
Nu sur mon lit, les bras croisés appuyés sur mes genoux, je contemple cette femme qui à peine entrée dans mon lit, s’apprête à sortir de ma vie. Je ne peux lui en vouloir. Ses espérances, son désir, je n'y pouvais rien. Je suis hôte.

Nue, debout face au lit, les bras croisés appuyés sur les seins, elle m'observe sans trop savoir pourquoi elle est là, dans cette chambre. Sans souvenirs d'y être entrée, elle se tâte. Comment en sortir et éviter les remous? Elle est de passage.

Une fois de plus, deux adultes consentants regrettent un verre de trop. Un homme et une femme assument au mieux leur liberté sexuelle, liberté qu'ils se sont accordée d'un clin d’œil complice échangé autour du bar. Un homme, une femme, deux corps libres de droits, avec tout ce que la liberté peut comporter comme contraintes.

Assis, les reins calés dans mon oreiller, je me prépare au mieux pour la finale. Une vacherie, un silence de glace pour clore les célébrations, un éclat de passion pour conclure ce moment de proximité échappée. C’est pénible, mais inévitable. Je n’ai aucune excuse. Je baisse la tête comme mon sexe a su le faire avant moi. Galant, je lui tiendrai la porte.

- Bon, j’y vais.

Possédé par l'irrésistible envie de dormir et d'oublier, je m’empresse d’être serviable et lui offre un taxi. Elle me fait une grimace.

- Non, merci, ça ira.

Comme ça, par simple affabilité, en étant prête à ouvrir la porte d'elle-même, elle me redonne envie. J'ai envie de la retenir, pour la désarmer, pour la remercier. Le paradoxe me prend sous la ceinture.

- Reste, c'est la nuit.
- J'ai remarqué, merci, mais non. Le temps de retrouver mes vêtements… Je serai mieux chez moi.

Une femme, qui n’est finalement qu’un homme comme les autres. Prête à partir à toute vitesse, à tout prix, incapable de trouver une excuse. L'urgence de la fuite est insoutenable. Elle doit être consommée là, maintenant, comme un sexe qui pourrait s'enfuir.

Je regarde l’heure.

- Il est quatre heures.

Elle hésite, j'y vois l'occasion de renverser la vapeur.

Je ne crois pas au coup de foudre, mais le tonnerre a éclaté et j'ai senti une chaleur parcourir ma nuque au hasard de la bière. J'avais une rousse glacée en main, elle était blonde, rapide et chaude. J'ai senti la pression monter, me suis réajusté le col. J’ai perlé de nervosité. L'ironie de mes jeux de mots débiles m'a même atteinte.

- Tu n’aurais pas vu mon porte-jarretelles?

*


- C'est quoi ça?!
- Un porte-jarretelles. Jamais vu?
- Oui, mais sous un pantalon?
- Dis-moi que t'aimes pas ça, sans sourciller.
- Oui, j'adore, j'en suis fou, mais… t'es toujours comme ça?
- Quand je ne prévois pas dormir dans mon lit? Oui. La plupart du temps
- …
- Oh!? On est choqué? Tu sais? Un homme, une femme, c'est pas tellement différent.
- Si tu le dis.
- Tu fais la gueule?
- Non, tellement pas. Tu veux que je te l'enlève?
- Ça dépend… ça t'excite si je le garde?
- Assez, oui.
- Alors, n'y touche pas, ou plutôt oui, touche.

*


- Il est ici.

Je tire le drap, découvre ma cheville.

- Ici, là où on l'a laissé.
- Merci. 

Elle s'arque légèrement pour le reprendre, me détacher, et sans se relever, se mets à parcourir le sol, à regarder sous le lit.

- Heu… t'aurais pas vu mes pantalons?
- Au salon, je crois.
- Ok. J'y vais.

J’ai vécu ça plus souvent que je ne l'aurais voulu. Le passage obligé où elle s'en va, comme dans un mauvais roman. Pas de tendresse, qu’un soupir. Les caresses, les baisers déchaînés, les baisers fougueux ou volés, la badinerie, rien ne va plus, tout se confond finalement à la gêne du petit matin. Remarquez, je n'ai pas vraiment le choix, je prends ce qui passe. À trente ans, la fougue a fait place à l’expérience, mais semble-t-il, apprécier le savoir-faire n’est plus à la mode. On consomme sans reconnaître la qualité lorsqu'on la croise. Elle a joui, j'ose espérer qu’elle en est satisfaite, pas que ça change quoi que ce soit. Elle est peut-être un peu amère, il n'y a eu qu'un assaut, mais ça ne se voit pas, je devine. 

Son soutien-gorge tient encore en équilibre sur l'abat-jour. Il est doux sous mes doigts, il l'était aussi sous mes dents. J'aime ces dentelles discrètes, douces, noires, sobres, classiques, sans rembourrage mensonger. Porte-jarretelles, bas de soie, string de dentelle, soutien-gorge assorti, elle a mis un paquet de fric dans l'espoir d'une nuit. Une nuit imaginée autrement à voir son empressement.

Elle revient et se plante devant moi, les mains dans ses poches. Je ne peux plus contempler ses jambes exquises et j'en suis chagriné. Je regrette qu'elle n'ait porté une jupe. Son ventre est encore libre d'étoffe, filiforme, oreiller divin où je me suis assoupi un instant. Assoupi en contemplant ses seins, ils sont magnifiques. Sans savoir quel âge elle a, j'avance qu'elle est bien conservée.

- Mes bas?
- T'as mis ton pantalon?
- J'avais froid. T'as pas vu mes bas?
- Dans l'entrée.
*


- Woo.
- Woo quoi?
- Bonjour.
- Ok, c'est quoi le problème?
- Pas de problème.
- Tu voulais qu'on attende d'être entrés, on est entrés. Tu voulais prendre un verre, une clope, j'ai poireauté, je t'ai accompagnée. Là quoi?
- C'est juste que… on pourrait prendre un dernier verre, une autre cigarette, parler un peu.
- Pauvre petit. Je vais être douce, je te promets.
- C'est pas ça, mais… je pourrais t'effeuiller un peu? M'allumer?
- M'effeuiller?
- J'aime la sonorité.
- Ok, je sais pas c'est quoi ton problème, mais je veux que tu comprennes quelque chose : je me suis habillée sexy ce soir pour une bonne raison. T'as pigé?

*

Je croyais que j'avais la forme et ça ne m'arrive plus aussi souvent. Une belle blonde me souriait depuis un moment, mais avec de la merde dans les yeux, je n'ai pas vu que c’était elle qui me draguait. Elle, pas moi. Je n'ai pas fui, je l'ai attendue d'un pied ferme, aussi con qu'un autre. J'étais ivre, elle avait les joues rosies. Elle n'était pas à son premier verre et le mien avait déjà été assimilé par mon foie. J'ai payé la tournée et la suivante.

- J'ai tout. Ta salle de bain…?

Elle s'engouffre dans la demi-pièce avant même que j'aie le temps d'imaginer sa surprise en ouvrant ma pharmacie. Pour le reste, c'est assez propre. 

Je prends un deuxième oreiller pour appuyer mes reins. Ils me font un mal de chien. C'est toujours comme ça quand j'abuse des bonnes choses : l'alcool, la bouffe, le désir. Pour l'instant, c'est encore sourd, je croise les doigts.

Le soleil va se lever sous peu. Il y a un jour entre mes rideaux et au petit matin le premier rayon de soleil vient toucher le pied de mon lit. Je l'attends. J'espère un rayon magique, une dose de puissance cosmique qui aura parcouru l'univers dans le seul but de me donner un argument de taille pour la retenir… juste au bon moment.

*

- T'es complètement folle.
- Mais non, allez donne-moi ça.
- Ma porte est juste là, attend un peu! On est presque chez moi, c'est ma porte, juste ici, là, chez moi…
- Y'a personne. HELLO!
- J'ai des voisins, merci beaucoup.
- Y'a personne, soit pas aussi coincé.
- Si quelqu'un arrive… Mais? Mais qu'est-ce que tu fais!?
- Tu vois? C'est pas si mal.
- Aaah!
- Je savais que tu aimerais ça.
- Je t'en prie, je t'en… supplie.
- Ok. J'accepte. Mais je ne cède pas le terrain conquis. Pas question que je lâche prise.
- Comme tu veux, mais tu permets que je prenne mes clés? Dans ma poche, dans mon pantalon, à mes chevilles…
- Rabat-joie.

*

Je ne sais pas son nom.
Je n'ai pas son numéro.
Je suis hôte, elle est de passage.

Je ne suis pas fait pour cette vie, pourtant ces situations m'arrivent de plus en plus souvent, faute qu'il m'arrive quoi que ce soit d'autre. J'ai déjà essayé d’être sage, durant mon mariage entre autres, cette sombre époque où je me suis efforcé d'être fidèle et sans vraiment réussir. Depuis, plus réaliste sur les relations entre hommes et femmes, je vis ce que j'ai à vivre, en offrant quelques sensibilités et égards envers les femmes qui s'accordent à moi pour une nuit, une semaine ou un mois, du moins j'essaye.

Foutu mémoire sélective. Je tente de me rappeler d'une syllabe, d’une sonorité. Trop tard, elle sort de la salle de bain une photo à la main. La photo qui est collée au dos de la porte de la pharmacie. La surprise attendue.

- Excuse-moi, mais c'est qui?
- Sur la photo? Moi.

Je rigole in petto de son air ahuri de femme soupçonnant l'adultère. Elle a joui, est-ce que ça ne me donne pas une exemption pour quelque chose? De donner des explications par exemple? Le point d'interrogation crève ses yeux, son regard hésite entre la crainte et la curiosité. C'est toujours la curiosité qui l'emporte, mais il y a toujours des gens pour marquer une pause avant de reposer la même question en y ajoutant les points sur les "i". 

Et y'aura toujours des cons comme moi pour jouer avec les mots.

- Toi et qui?
- Ma femme.
- T'es marié, je le savais, c'était trop bon.

Je me doutais qu’elle avait aimé ça, mais trop bon? Finalement, elle n'a peut-être pas d'amertume.

- Ma femme, techniquement. Le divorce se fait attendre. Un mariage comme les autres. C'était vraiment bon?

La réponse ne vient pas et importe peu. Je caresse mon annulaire fraîchement dénudé, mon alliance repose dans un tiroir depuis quelques jours. Elle se croise les bras et s'assoit sur le lit, ou plutôt s’y laisse tomber.

- Raconte.
- Y'a pas grand-chose à raconter. Un homme, une femme, un mariage qui foire. Ça pourrait être un Lelouch. Qu'est-ce que tu veux savoir?
- Je sais pas. Comment tu te sens?
- Assez bien. Je ne suis pas à terre.
- Ça va? T'es certain?

Pourquoi pas jouer le jeu? Elle voulait être une infirmière, quelque part dans une vie, une autre. Je craque, la jouant même un peu mélo. Je commence par me frotter les yeux et réponds à sa question, avant même qu'elle ne la pose.

- C'est rien. La fatigue, la cigarette, la fumée.
- Tu pleures?

Je ne pleure pas encore, mais une minute plus tard ça y est. Ce n'est pas si difficile. Pas besoin de faire le conservatoire d'art dramatique pour y arriver en claquant des doigts.

- Je m'excuse. Je voulais pas… je pouvais pas savoir…

Elle aurait pu deviner, elle aurait pu s'en donner la peine. Mon rôle n'est pas de lui faire un dessin, la caisse et la muselière c'est du déjà lu et puis je n'ai pas vraiment l'intention de l'apprivoiser. Elle est assise sur mon lit et vient de poser sa tête sur mon épaule. Je pose ma main sur sa cuisse sans y croire et pourtant voilà qu’elle m'embrasse le cou, encore, puis la joue, puis…

Puis je sens la chaleur du premier rayon de soleil qui se fraye un chemin entre les rideaux. Je le sens sur ma peau, dans sa main. Je le vois dans son sourire. C'est un rayon magique, cosmique, venu de la nuit des temps, une lueur bénie, une dose de puissance, une érection divine.


*Écrit en 2003, publié pour la première fois en 2010, premier chapitre d'un roman qui ne verra sans doute jamais le jour. Mais quelqu'un m'a posé une question simple dernièrement : pourquoi? Je n'ai plus de bonne raison... Je n'en ai sans doute jamais eu.
 

jeudi 9 février 2017

Synchronie (nouvelle)



Je l’ai sentie passer à côté de moi comme un oubli. Son parfum me rappelait quelque chose sans que ce soit précis. L’air était venu me caresser dans son sillage et j’en étais encore tout retourné quand justement je me suis tourné vers elle.

Comme si elle avait senti mon regard, l’attendait, elle était là, debout devant la porte, avec un sourire de mille étoiles. Ses yeux souriaient aussi, ainsi que ses bras, ses jambes, son manteau rouge et ses bottes noires. Derrière elle, par la vitrine, je pouvais voir l’hiver qui souriait aussi, le soleil faisait étinceler la neige comme des dents trop polies pour être vraies, comme un sourire trop grand pour être que poli.

J’ai attrapé mon sac, mon cœur et tout ce qui trainait à mes pieds : ma fierté d’homme, mes doutes, mes convictions, mon passé et mes futurs espérés. Je l’ai suivie. Elle s’est engouffrée sans sourciller dans l’hiver qui nous attendait et à petits pas m’a indiqué le chemin dans la neige. Je n’avais qu’à suivre ses traces, la pister. Malgré l’air frais j’aurais pu la suivre les yeux fermés, qu’au parfum. Elle sentait bon, elle sentait le bonheur, elle sentait le foyer d’une nuit de neige, elle sentait le café d’un matin de blizzard, elle sentait la chaleur d’un lit d’une nuit sans lumière sous un ciel étoilé. Ses talons trouvaient le moyen de transpercer la neige et claquer sur le trottoir. Je la suivais comme on suit un métronome, comme on s’accorde sur les battements de son cœur. Je la suivais aveuglément.

Nous avons marché ainsi, moi à quelques mètres derrière elle, dans la neige sur quelques coins de rue, puis dans une ruelle. Elle s’arrêtait de temps en temps afin de s’assurer que j’étais toujours derrière, toujours présent, pour s’assurer que le lien invisible qui nous unissait n’avait pas été rompu par un triste revirement du destin. J’étais là, lui souriais. Elle me le rendait, puis reprenait la marche. 

Jusqu’à cette ruelle où elle s’est arrêtée devant une palissade. N’entendant plus le claquement de ses talons, je me suis arrêté à mon tour. Quelques mètres nous séparaient. Nous avons croisé nos regards, comme d’autres croisent les armes. Elle me touchait au cœur, je la transperçais à l’âme.

Elle a poussé une porte que je n’avais pas vue, y est disparue. J’ai fait craquer la neige sous mes pieds, dans un rythme désordonné, rapide, pour la rejoindre. J’avais peur de la perdre, qu’elle soit à jamais manquante. Comme ces enfants qui pleurent parce qu’ils ne voient plus leur mère, je paniquais et des larmes se tenaient prêtes à s’écouler sur mes joues rougies par le froid. J’étais persuadé qu’elle n’était plus qu’un songe d’un jour d’hiver, maintenant qu’elle était redevenue intangible, persuadé que j’avais été insouciant de laisser quelques mètres de distance entre nous pour me protéger de son éclat, persuadé que ces quelques mètres me plongeaient désormais dans un gouffre abyssal.

Lorsqu’un cœur éclate et qu’il n’y a personne pour le voir, ses rivières de sang d’encre font-elles du bruit ?

Je me suis introduit dans une cour enneigée qui s’est transformée en cour des miracles dès que je l’ai revue, debout sur le balcon. Elle tenait la porte entrouverte, comme une invitation. C’était bien une invitation et je n’ai pas hésité à franchir les quelques pas qui nous séparaient.

La cuisine était sombre. Le manteau rouge venait de disparaitre comme un éclair de feu dans le corridor et mes yeux s’habituaient peu à peu à la pénombre contrastée d’un espace défini, d’un intérieur, en opposition à l’immensité blanche, au désert hivernal. J’ai retiré mes bottes, qui maintenant me gênaient pour avancer et sous lesquelles s’allongeait désormais une flaque d’eau, souvenir d’une saison qui oubliait d’être tendre. Le manteau rouge avait disparu, mais elle était de retour.

Sans s’attarder à mon sort, sans soulever ma présence, sans venir à moi, elle s’est tournée vers une bouilloire sous laquelle elle a allumé une flamme bleue, bleue comme ses yeux. Le dossier conciliant d’une chaise salvatrice a accueilli mon manteau sans broncher.

Nous avions déjà commencé à nous dévêtir, un morceau à la fois. Était-ce trop rapide ?
Nous avons bu un café, en silence, en nous regardant, en souriant, en nous aimant sans le dire. Les paroles étaient trop approximatives pour en user à la légère. Il aurait été si facile de tout gâcher en lâchant une banalité, une imprécision nébuleuse, un souhait ridicule. Je préférais l’incertitude probable à l’improbabilité certaine.

Quand au fond de nos tasses il n’est resté qu’un filet de particules sombres, elle m’a pris par la main, me faisant lever de ma chaise, et m’a entraîné. Nous avons passé une pièce à ma droite, une chambre avec un petit lit couvert de draps blancs, une pièce à ma gauche, une salle de bain avec toutes les crèmes et petits pots dans lesquels les femmes accumulent les meilleurs onguents – leurs plus grands secrets, une autre pièce à ma droite, un salon, puis nous sommes entrés dans une chambre. Une chambre où il y avait un grand lit couvert de draps sombres. Une chambre à la lumière tamisée, aux odeurs musquées.

Nous nous sommes arrêtés. Elle a posé un doigt sur ma bouche, une main sur ma poitrine. J’ai baissé les yeux et ai vu sa main battre sous l’effet des palpitations de mon cœur. J’ai posé la mienne à côté de son sein, afin de sentir le sien. Après un moment, nos battements se sont accordés, synchronisés. 

Nous avons levé les yeux. J’ai plongé dans les siens, elle s’est mouillée dans les miens. Nous nous sommes embrassés.

Quand dire « Je t’aime » est un pléonasme, nul besoin d’être ostentatoire dans ses sentiments. Mes soupirs étaient prolixes. Ma respiration accélérée avait des accents de logorrhée. Mon discours silencieux était incohérent, chaotique, insaisissable de complexité. Mes caresses ressemblaient à de longs fleuves de tendresse, insensibles aux obstacles sur leur chemin, provoquant des remous, des cyclones, de typhons qui me happaient toujours plus profondément au cœur de son corps.

Nous étions soudés l’un à l’autre. D’une cadence commune nous ébranlions la terre, les cieux, les certitudes éloquentes d’un monde qui pourtant en avait vu d’autres. Notre synchronie était parfaite, mesurée, sans calcul, naturelle, indécente et si pure malgré tout. L’innocence même du geste le plus naturel du monde nous liait dans un tango où personne ne menait, où les gestes se succédaient tels des pas chorégraphiés, dénombrés, quantifiés, jaugés pour leur exactitude. Nous consommions un absolu, la quintessence d’une féérie insolente. La photogénie était idéale, la plénitude du moment était à maturité, notre épanouissement sans égal.

Une fleur s’est ouverte et je l’ai couronnée d’un hommage achevé.

Nos amours avaient été isochroniques.

*Cette nouvelle a été publiée la première fois quelque part en 2009... j'ai perdu la date exacte.