samedi 9 novembre 2019

Maux en musique - 2

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« Ça n’a rien à voir avec toi ou moi, y’a des choses, qui sont comme ça »

J’ai glissé entre deux pages un billet de spectacle déchiré, signet de fortune, avant de refermer mon livre. Je n’en pouvais plus. Je n’avais pas fermé l’œil depuis trois jours, ou si peu. Ma peau était grasse, mes cheveux en bataille, j’empestais la respiration et j’avais peine à me concentrer sur quoi que ce soit. Je me suis frotté les yeux. Ça m’a fait mal.

J’avais le pouvoir sous l’index, j’ai appuyé. Une fois, deux fois, trois, puis quatre. Une agente de bord est venue me voir, un peu agacée. J’avais soif. Scotch, double, n’importe lequel, ça n’avait pas d’importance. Je cherchais l’effet, voilà tout. Elle s'en foutait tout autant que moi.

Ne pas fermer les yeux, rester éveillé.

Voilà qu’on me tape gentiment sur l’épaule avant de me tendre un verre que je n’ai pas commandé, ou peut-être que si. J'offre un sourire de remerciement, le meilleur qui peut me venir aux lèvres. Je n'ai aucune envie de briller, de peur de sembler heureux.

Boire aux frais d’une compagnie aérienne n’est jamais aussi enivrant. Je regrette presque d’être en première classe. Un peu moins d’espace autour de moi, un banc un peu moins confortable, j’aurais été bien mieux coincé entre deux vacanciers ventripotents pour prendre une cuite anonyme. Je soupçonne que la conscience du vice vienne avec la sortie du portefeuille, avec les limites de celui-ci. Les cartes de crédit ne sont pas acceptées en vol, pas à mon souvenir, et c’est bien heureux.

En première, on ne vous pose pas de question, on vous sert votre consommation le plus naturellement du monde. On se fout que vous soyez poivrot ou inconsolable, vous avez payés votre passage assez cher pour avoir la paix.

L’ivresse fait son chemin en moi, sans jamais m’avoir réellement quitté, mais je ne ressens aucun plaisir à m’assombrir. Je me borne à boire, sans conscience, sans différence.

Maxine a insisté pour m’offrir ce siège. Elle ne vit pas avec moi, ni en moi, ne me fait pas rire et ne sait pratiquement rien de ma vie. Je suis devenu cet étranger nécessaire. Je n'ai été que l’instigateur, ou plutôt le provocateur, le géniteur de sa souffrance. Elle m’a réclamé auprès d’elle et je n’ai pas eu le cœur de lui demander si elle m’en voulait à présent que tout avait basculé.

Un autre verre, un autre alcool.

Faire des mélanges afin d’obliger mon estomac torturé à me garder éveillé. À l’abri des remords, encore quelques heures dans mon lit aérien, boire comme si ce verre était le dernier. Si je n’ai fermé l’œil durant mon séjour aux antipodes, ce n’est pas à cause de l'émerveillement devant une civilisation presque aussi vieille que le monde, devant ces lumières qui éclairaient le ciel et simulaient le jour en pleine nuit. J’ai senti qu’il n’y aurait plus d’aussi belles occasions d’oublier mon corps et mon existence. J’étais si petit dans mon impuissance et Maxine si grande dans sa tristesse.

À mon retour, je savais qu’il y aurait une femme à l’aéroport, celle-là même qui m’avait inspiré deux romans. Deux manuscrits publiés grâce à ses bons conseils, à ses relations, à sa connaissance du milieu. Pour le premier son aide avait été essentielle, pour le second, une béquille à mon succès naissant. J’avais enfin connu à mon tour l’heure de gloire. Les projecteurs m’avaient éclairés quelques temps, mon nom trôné fièrement au sommet des palmarès de ventes. Mel avait connu deux écrivains à succès. Il m’arrivait encore de penser à Jean, celui qui avait été mon ami, son premier mari.

Ce jour-là, cette même femme à qui je devais tout, cette même femme qui jadis avait été le centre de ma vie, ne m’inspirait plus que des soupirs. Mes aventures, ce voyage par exemple, me laissaient perplexes devant l’avenir.

Un matin, je m’étais installé devant l’ordinateur et puis rien : la page blanche. Contrairement à ce que j’avais entendu d’autres auteurs, ça ne m’avait pas angoissé, j’avais simplement jeté l’éponge et m'était fais plus de café.

À mes côtés nuit et jour, ou presque, elle me vidait de mon énergie, me pompait mes idées. La muse était devenue muselière.

De bonne foi, nous nous étions laissé prendre au quotidien. Nos moindres lieux communs se transformaient en d’orageuses disputes, terminaient par des séparations en silence. Je me le demandais où et quand j’avais cessé de la contempler sans m’en lasser. Toujours aussi belle, peut-être même d’avantage, elle n’était désormais guère plus qu’une photo mobile à mes yeux. Une image vivante, souvenir, copie pâle et usée de ce que j’avais vu d’elle et en elle. L’énergie qui nous liait hier s’était envolée, ne laissant qu’une complicité naturelle, banale, entre deux personnes partageant la même couche depuis trop longtemps.

Le temps. Relativité intéressante que celle du délai nécessaire pour que deux amoureux puissent en venir à s’oublier. J’avais peu à peu accepté la ritournelle incessante de notre ménage. Elle ne me le pardonnait pas. J’avais aussi délaissé les autres femmes, il n’y avait qu’elle et finalement, je crois qu’il n’y avait que moi.

Elle ne me le pardonnait pas.

Évidemment nous avions goûté au bonheur parfait. Mes écrits avaient connu un succès précoce, suffisamment pour me permettre d’ouvrir ma propre librairie et de mettre une grosse mise de fond sur l’achat de l’appartement au-dessus de celle-ci. Elle n’avait pas hésité à passer des nuits entières en ma compagnie pour aménager la boutique. Nous nous étions endormis au petit matin, fiers d’avoir travaillés côte à côte et de voir prendre forme mes rêves. J’en étais ravi, mes clients aussi. J’avais échappé aux années de vache maigres qui sont l’apanage des nouveaux commerçants. Je travaillais tous les jours de l’aube au crépuscule. Quotidiennement j’écrivais un nouvel horaire dans la porte, tenant compte du lever et du coucher du soleil. Si mes heures d’ouvertures étaient peu orthodoxes, mes clients si étaient habitué rapidement et avaient trouvé  l’idée originale. L’été je me levais tôt et je fermais tard, l’hiver j’inversais.

Notre nid était douillet. Nous ne croulions pas sous un luxe bourgeois, mais nous ne manquions de rien. Je fermais parfois en plein après-midi pour l’accompagner dans sa tournée des antiquaires où elle dénichait des merveilles. Elle marchandait toujours, que le prix ait été raisonnable ou pas, elle se devait de le faire, à mon grand étonnement puisque nous ne manquions pas d’argent. Son salaire nous permettait amplement de payer les traites de l’hypothèque, de renouveler notre ameublement, et la librairie subsistait largement pour le reste.

Mais désormais, le nid était aménagé depuis un temps et il ne m’arrivait plus de fermer durant le jour. Elle travaillait de plus en plus, de plus en plus tard. Pour nous éviter, nous prétextions l’occupation professionnelle. Nous n’avions plus nos vies à nous conter, nous nous connaissions depuis trop longtemps. Nous ne pouvions compter que sur nos lectures et nos rares sorties pour nous offrir le luxe de discuter.

Jamais un mot plus fort que l’autre. Nos amis nous enviaient ouvertement cette harmonie, ils ne comprenaient pas que nous avions simplement cessés de vivre.


**

Prétextant un mal de cœur attribué aux turbulences, j’ai voulu un autre verre. Cette fois, malgré le prix du billet, le personnel de bord m'a regardé d’un air désapprobateur, sans rien dire. Je n’avais rien pour ma défense, je ne pouvais me convaincre que j’avais une raison valable d’ouvrir la bouche. La réplique n’avait pas de but.

Jean me manquait. Aux grés des lancements et autres soirées mondaines, nous avions échangés quelques conversations polies. Sourires gênés et souvenirs hilarants, l’un de nous devait toujours absolument parler à un convive dans une autre pièce, s’éclipser. Nous vivions notre ancienne relation de façons stoïques, trop fiers pour nous avouer que nous étions cons et trop vieux pour jouer ce jeu, surtout pour une femme.

Son deuxième roman m’avait transporté, j’aimais son style, j’étais heureux qu’il l’ait écrit, celui-là. Malheureusement ce même style était trop différent de celui qui l’avait rendu célèbre, les critiques avaient détestés. Il était passé presque inaperçu, rare étaient ceux qui en avaient parlé ouvertement. En fait, ils n’en avaient pas parlé du tout. Tirage médiocre, éditeur distant, le laissant peu à peu sombrer dans l’inconnu. Son troisième, écrit sous un pseudonyme, était totalement passé sous le silence. Il n’avait plus la cote. Il ne l’avait jamais réellement eu. J’aurais aimé être à ses côtés pour le soutenir.

Finalement, Ève, s’était laissé séduire par celui qui avait été son beau-frère, au grand désespoir de Mel, sa soeur. Ils avaient tenu une espèce de conseil de famille, entre frangines, duquel avait résulté leur séparation. Elles ne se parlaient plus que du bout des lèvres, une à deux fois par année.

Il ne nous restait plus que quelques connaissances actives, ou ce que l’on appelle communément amis, faute d’un meilleur nom pour les désigner. Nous organisions des soupers plus ou moins réussis d’où je m’évadait à la moindre occasion. Quand je ne quittais pas les lieux, je me tenais à l’écart, à la cuisine, sous prétexte de préparer un festin, de surveiller un plat ou de me servir un autre verre. Il se trouvait toujours une femme pour venir me tourmenter, m’offrir une coupe de vin ou un coup de main. Bien vite elles déchantaient, je n’avais rien à dire sur ce roman qui n’arrivait pas. Ennuyés, effrayés par mes couteaux, découragés par mon attitude, elles finissaient par me quitter en haussant les épaules. J’avais réussi à devenir cet écrivain détestable, sans écrire une ligne de plus.

J’ai appelé Mel de l’aéroport, pas tant pour lui rappeler mon heure d’arrivée, qu’étrangement entendre sa voix. Il restait encore des moments morbides où je m’accrochais à ce qui avait été.

Mel et moi, c’était fini, depuis un bon moment déjà, ou était-ce hier? Je n’en savais rien. Inévitablement, l’un d’entre nous finirait par cracher le morceau et ne laisserait que des cendres. Le feu laisse des traces, des cicatrices. La passion avait été trop enflammée, la souffrance n’en était que décuplée.

Sa voix était étrange. Malgré qu’elle n’ait pas voulu de ce voyage, je le savais sans qu’elle n’ait eu à le dire, elle n’avait soulevé aucune objection. Elle redoutait à présent mon retour.
Jamais nous avions étés séparés plus de vingt-quatre heures depuis qu’elle avait fait demi-tour ce soir-là et m’avait découvert estomaqué d’avoir apprit que j’allais être père d’un enfant qui me resterait inconnu.

Nous venions d’avoir quatre jours d’introspection.

Loin des yeux, loin du cœur. Foutaises. Ce n’était pas ce qui nous arrivait. Mon absence, additionné des derniers mois passés ensembles, avait fait rejaillir l’oubli. J’avais cherché l’oublie au gré de mes préoccupations auprès de Maxine, elle, auprès d’un célibat forcé.

Ma première nuit loin de sa chaleur, j’avais été tenu éveillé par des images persistantes d’un autre homme dans ses bras. Je n’étais pas jaloux, je n’avais plus le droit de l’être, seulement furieux qu’elle profite peut-être de mon absence pour s’envoyer en l’air avec un étranger. J’aurais préféré qu’elle le fasse alors que j’étais à ses côtés. Tant qu’à être cocu, je préférais que ce soit sincère, difficile. Je ne me sentais pas particulièrement pousser des cornes, je n’avais aucune raison valable d’y croire, mais peut on réellement sentir ces choses?

Sa voie était différente. Sa façon de me dire qu’elle serait à l’aéroport à l’heure prévue trahissait une tristesse, non, plutôt une déception. Peut-être aurait-elle préférée que je reste loin, auprès de Maxine. Elle lui en voulait tant d’avoir eu un enfant de moi alors que, malgré tous nos essais, nous en étions avérés incapables. J’avais beau lui dire que ce n’était pas un enfant désiré, enfin, presqu’un accident, que je n’y était pas pour grand-chose, elle faisait la sourde oreille. Elle pleurait et je ne pouvais rien y faire.

Un autre verre, un dernier.

Il n’y avait plus de service, nous étions en approche. Je doutais. Une voix inconnue, surgissant des haut-parleurs au-dessus de nos têtes, invisibles, lui donna bientôt raison. Je l’ai remercié tout de même. Elle a souri, sadiquement.

Ma ceinture scellé, tel que demandé, j’ai repassé de mémoire les procédures dans l’éventualité d’un crash. Je n’ai jamais fait confiance aux avions.

La pression bouchait mes oreilles : le changement d’altitude. J’avalais avec difficulté ma salive, j’aurais aimé un autre verre, mais inutile d’insister.

Résigné, j’ai regardé à la ronde. En première, on ne s’inquiète pas, on a trop l’habitude des vols. Pas la moindre anxiété, agacement. Il est aussi normal pour eux d’atterrir que d’attendre que le chauffeur ouvre la portière d’une limousine de fonction. Je n’étais assurément pas le seul à souffrir des oreilles, mais chez mes compagnons, rien ne transpirait, alors que je suais abondement.

Un choc léger au contact de la piste m’a rassuré. Il ne restait que l’éventualité improbable qu’un pirate de l’air endormi ait attendue ce moment pour son office. Le plancher des vaches, enfin.
Paradoxalement, je n’étais pas pressé de descendre, j’avais peur de voir Mel, d’entendre ce qu’elle allait me dire ou pire : de ses silences. J’ai laissé des hommes en costumes et des femmes élégantes se hâter de faire la queue pour atteindre la porte. À retors, j’ai suivi la marche sous l’œil soulagé d’une agente de bord qui était peut-être celle qui avait dû subir mes soifs incessantes.

L’heure de pointe au centre-ville, voilà ce que j’avais en tête alors que j’étais dans le petit autocar qui nous transportait de l’avion aux bâtiments principaux. Il n’y avait pas assez de bancs pour tous. L’odeur acre de transpiration, les bousculades, les sacs à dos, rien n’y manquait. Le chauffeur s’en donnait à cœur joie, nous ballotant les un contre les autres aux grés de virages subis.

Descendu, j’ai marqué un temps d’arrêt. Je sentais la terre ferme sous mes pieds. Du béton, de l’asphalte, le tarmac, mais c’était le sol, sous une forme ou une autre.

Je ne me suis pas précipité pour chercher ma valise parmi le flot de bagages défilant sur le tapis caoutchouté. J’ai cherché un bar, il n’y en avait pas. Je me serais bien envoyé quelques verres, question d'épancher ma soif, ou faire comme si. Je me suis assis et j’ai attendu que la foule se disperse, qu’il ne reste plus que deux ou trois valises esseulées. Elles tournaient inlassablement, offrant à tous le spectacle de leur inutilité.

J’ai attrapé la mienne et je me suis mis en file pour le contrôle douanier.

Tout au bout de la chaîne humaine, des gens retrouvaient la liberté et se dirigeaient vers leurs parents, amis, chauffeurs. À chaque évasion, les portes coulissaient et laissaient entrevoir la foule impatiente. Bien malgré moi, j’ai cherché un visage connu. À quoi pouvait-elle bien ressembler? J’avais déjà oublié. Était-elle brune ou châtaine? Était-ce cette femme en robe ou celle-ci en pantalon?

L’estomac serré, j’avançais péniblement, vers ma vie normale, je n’avais aucun moyen de m’y soustraire. Les aéroports sont des prisons où l’on attend sa sentence, quel que soit notre côté de la barrière. C’était l’heure des visites.

Mon tour est venu. J’ai tendu le formulaire distribué dans l’avion, afin d’accélérer la procédure, à la main qui le réclamait. L’officier en fonction a lu rapidement mes réponses, les a survolé d’un œil absent, puis m’a demandé mon passeport. Je devais faire peur, j’avais oublié qu’il vaut mieux avoir bonne apparence pour ce genre d’épreuve. Je n’avais rien à voir avec ma photo officielle. Je ne portais pas la barbe sur celle-ci, je n’avais pas les cheveux gras, ni le regard vitreux. Peut-être parce que j’étais le dernier, peut-être par paresse, il me l’a rendu et m’a dit que tout était en ordre.

J’ai soulevé ma valise, plus lourde depuis un moment, vaguement étonné de m’en être sorti aussi facilement, un peu déçu. Je n’avais plus d’excuse pour retarder mon arrivée. Je me suis avancé à mon tour vers les grandes portes vitrées.

Les portes ouvertes, je me suis aperçu que la foule était beaucoup moins imposante qu’un instant plus tôt. En fait il n’y avait qu’une personne, une femme, et pas celle que je redoutais.

Elle était désemparée. Sans malice, sans désir de faire souffrir, je lui ai dit que j’étais le dernier. Ses pleurs ont été instantanés. Je n’ai pas eu la décence d’assumer la conséquence de mes paroles, j’avais déjà trop à me reprocher pour ajouter quelque chose à cette liste. Je me suis éloigné à la recherche d’une autre âme en peine.

Je l’ai trouvée assise en retrait, Mel lisait sereinement. Elle ne levait même pas les yeux de temps en temps pour voir si j’arrivais. Je me suis approché d’elle, me suis planté à ses pieds. Elle n’a pas bronché. J’ai pris le siège suivant.

- Moi aussi je suis content de te voir.

Silence. Elle ne m’avait pas entendu, trop absorbé par son livre. À moins qu’elle ne voulait pas m’entendre. J’ai tenté ma chance une seconde fois.

- On y va?
- C’était comment?
- Pluvieux.
- Ah?

Elle s’est levée sans me regarder. J’ai attrapé mes choses et je l’ai suivi dans le dédale de couloirs, puis dans le stationnement, trois pas derrière elle. Elle s’est installée au volant et a ouvert le coffre à distance. J’ai posé mes bagages et j’ai été la rejoindre du côté passager.

Les deux mains sur le volant, elle regardait fixement devant elle sans démarrer. J’hésitais à parler. Je sentais que nous étions à la veille d’un moment désagréable, où l’on allait perdre cet équilibre rassurant, confortable. Lorsqu’elle s’est adressée à moi, sa voix n’était qu’un filet tenu, un souffle tout au plus.

- Comment elle va?
- Qui?
- Maxine, qui d’autre?
- Ah oui, pardon. J’avais la tête ailleurs. Elle va s’en sortir, c’est l’essentiel. Elle est forte, du moins je crois.
- Et toi?
- Quoi moi?
- Comment tu t’en sors?
- Ça ira.
- Tant mieux.

Conversation stérile. Je n’avais aucune envie de lui donner des armes pour m’engueuler ou me faire simplement la gueule. Je me suis mis à regarder devant moi. Une famille poussait un chariot à bagage devant eux. Ils souriaient, riaient, étaient heureux. La femme tenait l’homme par la taille et appuyait sa tête sur son épaule. Les enfants couraient autour d’eux en se chamaillant.

- Comment on se sent?
- Bof…
- Tu dois bien ressentir quelque chose? À moins que l’alcool ne t’ait rendu insensible?
- C’est étrange, ce n’est pas très personnel. Je ne ressens rien, je suis vide. C’est la vie d’un autre que je ne suis pas. Maxine m’a fait peine à voir. Elle l’aimait, le chérissait. Je ne le connaissais pas vraiment, à part quelques photos…
- BON DIEU DE MERDE! TON FILS EST MORT!
- Merci, je savais déjà.

Elle s’était enfin tournée vers moi en criant. Elle pleurait.



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